1) La Rumeur
La Rumeur est un groupe de rap français créé en 1995 qui est composé de quatre rapeurs: Ekoué, Hamé, Philipe et Mourad. Il se compose aussi de deux DJ: Soul G et Kool M).
La Rumeur se dit être un groupe "underground" et subversif et souhaite se démarquer par cela des autres groupes de rap français qui, selon eux, adaptent leurs textes dans un but commercial ou pour passer sur des radios telles que Skyrock ou NRJ.
En 2002, Nicolas Sarkozy porte plainte contre un texte publié dans le magazine de La Rumeur.
"Ca y est, les partisans chevronnés du tout sécuritaire sont lâchés. La bride au cou n’est plus et l’air du temps commande aux hommes modernes de prendre le taureau par les couilles. Postés sur leurs pattes arrières, les babines retroussées sur des crocs ruisselant d’écume, les défenseurs de « l’ordre » se disputent à grands coups de mâchoires un mannequin de chiffon affublé d’une caquette Lacoste.
Sociologues et universitaires agrippés aux mamelles du ministère de l’intérieur, juristes ventrus du monde pénal, flics au bord de la crise de nerfs en réclamation de nouveaux droits, conseillers disciplinaires en zone d’éducation prioritaire, experts patentés en violences urbaines, missionnaires parlementaires en barbe blanche, journalistes dociles, reporters et cinéastes de « l’extrême », philosophes amateurs des garden-parties de l’Elysée, idéologues du marché triomphant et autres laquais de la plus-value ; et bien évidemment, la cohorte des responsables politiques candidats au poste de premier illusionniste de France... tous, jour après jour, font tinter en prime-time le même son de cloche braillard :
« Tolérance zéro » !!! ` « Rétablissement de l’ordre républicain bafoué dans ces cités où la police ne va plus ».
Ils sont unanimes et hurlent jusqu’à saturation, à longueur d’ondes et d’antenne, qu’il faut « oser » la guerre du « courage civique » face aux hordes de « nouveaux barbares » qui infestent la périphérie de nos villes. Qu’on en finisse avec le diable !!! l’ennemi intérieur, fourbe et infâme, s’est immiscé jusque dans nos campagnes et y a pris position. Ne craignons pas les contrats locaux de sécurité, les couvre-feux, l’abaissement de l’âge pénal à 13 ans, l’ouverture de nouveaux centres de détention pour mineurs, la suppression des allocations familiales aux familles de délinquants... Que la caillera se le tienne pour dit, la République ne laissera pas sombrer le pays dans le chaos apocalyptique des vols de portables, du recel d’autoradios ou du deal de shit sous fond de rodéos nocturnes...
La République menacée, la République atteinte mais la République debout !!! Quelle leçon d’héroïsme ! Quelle lucidité d’analyse ! Et quel formidable écran de fumée !! A la table des grand-messes, la misère poudreuse et les guenilles post-coloniales de nos quartiers sont le festin des élites. Sous les assauts répétés des faiseurs d’opinion, les phénomènes de délinquance deviennent de strictes questions policières de maintien de l’ordre ; les quartiers en danger se muent en quartiers dangereux dont il faut se protéger par tous les moyens ; et les familles immigrées victimes de la ségrégation et du chômage massif, endossent la responsabilité du « malaise national ».
La crème des auteurs de la pensée sécuritaire joue à l’idiot à qui on montre la lune du doigt et qui regarde le doigt. Exit les causes économiques profondes. Exit les déterminismes sociologiques. Exit le risque que le débat prenne un jour l’aspect d’un réquisitoire contre les vrais pourvoyeurs d’insécurité : ceux-là même qui ont réduit des centaines de milliers de famille à vivre avec 4000 francs par mois ; ceux-là même qui appellent de leurs vœux les plus chers la marche forcée vers « l’économie de marché débridée ».
Nous ne lirons pas, dans la presse respectable, que les banlieues populaires ont été, depuis une vingtaine d’années, complètement éventrées par les mesures économiques et sociales décidées depuis les plus hautes sphères de l’Etat et du patronat pour pallier à la crise sans toucher à leur coffre-fort.
Nous n’entendrons pas sous les luminaires des plateaux de télévision, qu’à l’aube maudite du mitterrandisme, nos parents et nos plus grands frères et sœurs ont été les témoins vivants d’une dégradation sans précédent de leur situation déjà fragilisée.
L’histoire officielle ne retiendra pas l’énergie colossale déployée par les gouvernements des trois dernières décennies pour effacer les réseaux de solidarité ouvrière enracinées dans nos quartiers. Pas plus qu’elle ne retiendra le travail de récupération et de sape systématique des tentatives d’organisation politique de la jeunesse des cités au milieu des années 80.
Qui parmi les scribouillards du vent qui tourne s’indignera de l’opacité entretenue vis-à-vis de la vallée de larmes et de combats que fut l’histoire de nos pères et grands-pères ? Parmi ces hommes de paille éructant la « croisade républicaine », combien déclareront la guerre du « courage civique » devant les ravages psychologiques du mépris de soi chez des générations qui atteignent la vingtaine avec 8 ans d’échec scolaire et 3 ans de chômage ? Les logiques d’autodestruction (toxicomanie, alcoolisme, suicide...) où certains d’entre nous sont conduits par pur désespoir et complète perte de foi en l’avenir, mériteront-elles quelconque voix au chapitre de l’insécurité ?
Les pédagogues du dressage républicain n’auront pas en ce sens la critique fertile. Ils n’esquisseront nulle moue face à la coriace reproduction des inégalités sociales au travers des échelons du système scolaire, ni l’élimination précoce du circuit de l’enseignement de larges franges de jeunes qui ne retiennent de l’école que la violence qui leur a été faite. Les rapports du ministère de l’intérieur ne feront jamais état des centaines de nos frères abattus par les forces de police sans qu’aucun des assassins n’ait été inquiété. Il n’y figurera nulle mention de l’éclatement des noyaux familiaux qu’ont provoqué l’arsenal des lois racistes Pandraud-Pasqua-Debré-Chevènement et l’application à plein rendement de la double peine.
Les études ministérielles sur la santé refermeront bien vite le dossier des milliers de cancers liés à la vétusté de l’habitat ou au non-respect des normes de sécurité sur les chantiers de travail. La moyenne effroyablement basse de l’espérance de vie dans nos quartiers ne leur semblera être, elle aussi, qu’un chiffre indigne de tout commentaire. Bref, ils n’agiteront jamais au vu de tous le visage autrement plus violent et criminel de l’insécurité. Aux humiliés l’humilité et la honte, aux puissants le soin de bâtir des grilles de lecture.
À l’exacte opposée des manipulations affleure la dure réalité. Et elle a le cuir épais. La réalité est que vivre aujourd’hui dans nos quartiers c’est avoir plus de chance de vivre des situations d’abandon économique, de fragilisation psychologique, de discrimination à l’embauche, de précarité du logement, d’humiliations policières régulières, d’instruction bâclée, d’expérience carcérale, d’absence d’horizon, de repli individualiste cadenassé, de tentation à la débrouille illicite... c’est se rapprocher de la prison ou de la mort un peu plus vite que les autres...
Les hommes et les femmes qui dirigent ce pays savent tout cela. Ils savent aussi que la libéralisation massive de la vie économique française est en très bonne voie. Ils savent que les privatisations, les fusions, les délocalisations de nombreux secteurs d’activité vont se généraliser comme va se généraliser la paupérisation. Ils savent que la nouvelle configuration du marché exige la normalisation du salariat précaire et l’existence d’une forte réserve de chômeurs et de sans-papiers.
Et ils savent surtout que les banlieues populaires (parce qu’elles subissent de plein fouet et avec le plus d’acuité les mutations de la société française) sont des zones où la contestation sociale est susceptible de prendre de radicales formes de lutte si elle trouve un vecteur qui l’organise. On comprendra qu’il est de nécessité impérieuse d’installer toujours plus d’instruments de contrôle et de répression « éclair » au sein de nos quartiers. On comprendra que le monde du pouvoir et du profit sans borne a tout intérêt à nous criminaliser en disposant de notre mémoire et de nos vies comme d’un crachoir."
Ce texte, écrit par Hamé, est accusé de "porter attiente à l'honneur et a la consideration de la police nationnale". La phrase qui est le plus porté a controverse dans le teXte de hamé l'insecurité sous la plume d'un barbare est celle-ci " les rapports du ministère de l'interieur ne feront jamais état des centains de nos frère abattus par les force de police sans qu'aucun des assassins n'ait été inquiété"
Il est relaxé une première fois le 17 juin 2004, puis une nouvelle fois le 23 juin 2006. Pourtant l'avocat général de la cour de cassation demande une nouvelle fois l'annulation de cette decision et donc Hamé sera une fois encore renvoyé en cour d'appel. Son avocat Maître Dominique Tricaud parle "d'acharnement". Pour ce troisième procès, Hamé sera accompagné de cinq témoins: deux historiens, un journaliste, un sociologue, un chercheur au cnrs et un linguiste. Ces derniers l'ont aidé a mettre en place une défense d'odre politique pour prouver que son article est historiquement fondé. En effet, Hamé fait référence au massacre du 17 octobre 1961, de la station Charonne.
De nombreuses personnes soutiennent Hamé et La Rumeur. Une pétition circule.
Appel : Soutien à La Rumeur, lancé en 2007
Nous artistes, intellectuels, et citoyens, nous déclarons solidaires du groupe de rap La Rumeur, poursuivi avec acharnement et malgré deux relaxes, depuis cinq ans par le ministère de l’intérieur pour avoir publié un texte mettant en cause les violences policières depuis plusieurs décennies en France.
Nous le faisons au nom du principe fondamental de la liberté d’expression. Mais aussi parce que nous estimons qu’il est urgent que s’ouvre enfin un débat sans tabou sur les pages sombres de l’histoire de la police française.
La justice doit reconnaître qu’il n’est pas diffamatoire de revenir sur les massacres d’octobre 1961, de Charonne, ou les bavures commises depuis les années 80.
Signataires :
Noir Désir, Mouss et Hakim (Zebda), Kader Aoun, Jacky Berroyer, Benjamin Biolay, Cali, Esther Benbassa (directrice d’études à EPHE-Sorbonne), Denis Robert (écrivain), Olivier Cachin (journaliste), Christophe Honoré (réalisateur), Raphaël Frydman (réalisateur), Erik Blondin (gardien de la paix), Geneviève Sellier (universitaire), Philippe Manoeuvre (rédacteur en chef de Rock & Folk), Bruno Gaccio (auteur), Lydie Salvayre (écrivain), François Bégaudeau (écrivain), Bernard Comment (écrivain, éditeur), Collectif Les mots sont importants et 8000 autres personnes.
L'exemple de Hamé montre que la musique engagée a toujours un impact très important sur la société mais aussi sur les hommes politiques.
2) Georges Brassens
Brassens s'est toujours défendu de tout activisme politique. Il s'est soigneusement maintenu à distance des hommes et des partis, et s'il a pu tenir des propos à teneur politique, ceux-ci n'ont jamais visé à soutenir un homme politique. Il faut à cet égard citer un passage de l'Interview de Jacques Chancel :
Jacques Chancel : "Politiquement, vous auriez pu faire une carrière."
Georges Brassens : "Non, non. Un anarchiste ne se mêle pas de politique."
Brassens s'est seulement permis de critiquer quelques partis, et quelques hommes, à travers sa production écrite et chantée. Il a aussi exprimé de façon plus ou moins complexe son appartenance à la mouvance des idées anarchistes. Pour autant que l'on veuille bien concevoir le mot politique au delà de son sens profane - l'ensemble des hommes et des partis qui comptent dans la démocratie Française -, on doit donc admettre que Georges Brassens a un parcours politique, en tant que sympathisant anarchiste, et en tant qu'homme qui a voulu émettre des opinions à teneur politique. En d'autres termes : non, Brassens n'a pas participé de près ou de loin au jeu politique ; oui, Brassens a réfléchi et s'est exprimé sur des sujets politiques, et il a eu des rapports étroits avec la fédération anarchiste. Il est donc impropre de parler d'apolitisme lorsque l'on cherche à qualifier Georges Brassens.
La première trace que l'on ait de l'expression d'opinions politiques par Brassens date de 1943-1944. Cette période correspond à son séjour à Basdorf, dans un camp de travail du STO. Brassens n'est pas particulièrement hostile aux Allemands : il est, et a toujours été pacifiste. Mais de là à apprécier qu'on l'oblige à travailler pour la guerre, qu'on l'oblige à se rendre en Allemagne et à vivre dans un camp, il y a un pas qu'il ne franchira pas. Avec quelques compagnons de chambrée, Brassens fonde un parti subversif, qu'ils baptisent le parti des "briséistes", du nom d'une chanson écrite par Brassens. Il s'agit sans doute de la première chanson de Brassens qui témoigne de la malice et de l'inventivité qui nous vaudront plus tard 'la guerre 14/18', où d'autres chansons d'opinion à la facture sophistiquée. C'est déjà un excellent texte métaphorique, qu'il faut lire avec attention si l'on veut en comprendre la portée.
La Ligne Brisée
Sur la sécante improvisée
D'une demi-sphère céleste
Une longue ligne brisée
Mais harmonieuse et très leste
Exécute la danse de Saint-Guy
Exécute la danse (Bis)
Exécute la danse de Saint-Guy
Onduleuse leuse, leuse
Onduleuse elle erre sur l'heure
Nébuleuse, leuse, leuse
Astronomiquement fabuleuse
Scandaleuse, scandaleuse
Et zigzague elle zigzague
Et zigzague donc-on-on
Sur l'air vague, vague, vague
Que cette ligne est indécen-en-en-en-te
Huons-la... (Quatre fois)
Allons-y, un, deux, trois
À mort la ligne qui n'est pas droite
Allons-y, un deux, trois
De se briser qui lui donna le droit
Dites-le-nous, dites-le-moi
Toujours est-il que Brassens, qui est un peu le chef coutumier de sa chambrée - si l'on en croit Louis-Jean Calvet - propage avec sa bande le mystère de la ligne brisée. On réalise de petites affichettes sur lesquelles on peut lire "La ligne brisée, qu'est-elle, que veut-elle ? Les briséistes, que veulent-ils ?". On dessine sur tous les murs des lignes brisées - sortes de serpents ondulants. L'administration Allemande est intriguée, mais ne parviendra pas à remonter à la source de la contestation. Irritée par cet épisode, elle prendra sa revanche en interdisant le port de la barbe aux français. Mais les Briséistes n'en restent pas là, et ils créent un sigle : PAF - paix au Français. Brassens écrit en quelques heures l'hymne des PAFS.
Ces deux chansons, qui ne sont pas proprement politiques, mais qui auraient maille à partir avec la philosophie politique, sont un indice avant-coureur des convictions anarchistes et pacifistes de Brassens. On peut noter que - pour une fois -, Brassens s'est prêté au jeu de la contestation en groupe. On ne l'y reprendra plus, puisque lorsque l'on est plus de deux, on est "une bande de cons" - comme il le chantera. Pour l'heure, Brassens est le "roi" des pafs, le médiateur et le correcteur orthographique de sa chambrée, et il s'en accommode très bien. Le sigle PAF a été peint en grand sur le mur du fond de la chambrée, et l'administration du camp ne fait rien pour se renseigner sur eux.
On retrouve Brassens en juin 1945. Il fonde à 24 ans, avec deux amis - Emile Miramont et André Larue - un parti ! Mais il ne s'agit pas d'un parti ordinaire : son nom résume à lui seul la prétention des trois hommes, tourner en dérision les partis, et faire l'apologie d'une vie plus simple. Miramont, Larue et Brassens le baptiseront "parti préhistorique". Les trois hommes ont la conviction que "le seul retour à la vie primitive doit pouvoir empêcher le monde de tomber dans la décadence" - biographie de Brassens par Jean-Michel Brial. Dans le même esprit, ils fondent un journal, qu'ils appellent "le cri des gueux". Peu à peu, l'équipe est rejointe par quatre autres hommes. Le projet semble sérieux, puisque l'un d'entre-eux s'occupe de l'administratif, et qu'un autre est en charge de la maquette. Les articles et les maquettes affluent bien vite. Brassens écrit des articles, contrôle l'orthographe, et définit la ligne éditoriale. Brassens détaille le ton à adopter pour chaque article, et sur plusieurs thèmes.
La politique: Deux politiques, la bonne et la mauvaise. Si le
gouvernement en fait de la bonne, la suivre (ou faire semblant),
s'il en fait de la mauvaise, lutter contre lui en éclairant les
citoyens mal renseignés à son sujet. Comme le mariage, la
politique est une nécessité économique. Une forme unique de
politique serait idéale, mais théoriquement impossible (pratique-
ment, c'est la dictature), car les hommes n'arrivent jamais à
s'entendre parfaitement. On ne pourrait supprimer la politique
que si tous les hommes étaient vertueux.
Brassens ne pourra pas utiliser le journalisme comme forme d'expression : en dépit des multiples prises de contact avec divers mécènes, le 'cri des gueux' ne trouvera aucun financement. L'équipe du journal parle en terme d'idéal - de justice, de fraternité -, alors que les éditeurs qu'ils rencontrent ne connaissent que le mot rentabilité. Brassens débordant d'idées et d'opinions, Brassens voulant donner son avis sur la politique, ne pourra donc pas s'exprimer dans les colonnes du "cri des gueux".
Mais une autre occasion se présentera bientôt. Quelques mois plus tard - en 1946 -, Brassens est introduit par une connaissance à la fédération anarchiste du XVe arrondissement. Brassens ne tarde pas à se faire reconnaître par les militants anarchistes de la FA, si bien que Henri Bouye propose à Brassens un poste de correcteur au marbre - bénévole - dans le libertaire. La FA adopte en 1947 une résolution qui rend bien compte de ses objectifs : "La FA doit viser à la généralisation, à la simultanéité et à l'internationalisation des grèves et des mouvements sociaux. Elle doit conduire à la grève générale expropriatrice […]" Gaston Leval publie en 1948 un ouvrage qui fait etat des solutions proposées par une partie des militants de la FA. Brassens y a nécessairement été confronté. La société future repose selon lui sur trois piliers : les coopératives, les syndicats et les municipalités. Très vite, cependant, le climat d'agitation sociale se tasse, et la FA voit ses adhérents diminuer. Le libertaire se vend lui aussi de moins en moins.
Brassens aura donc connu l'apogée du Libertaire de l'après-guerre, ainsi que le début de son déclin. Il a vécu dans l'atmosphère et les idées de la fédération anarchiste, tout en se situant plutôt dans le courant individualiste-pacifiste, c'est à dire l'aile la plus libertaire des anarchistes. L'aile la moins libertaire est d'inspiration ouvrière et anarcho-syndicaliste. Après y avoir officié en tant que correcteur, Brassens publie une série d'articles dans le libertaire, dont 15 sont attestés par son pseudonyme - les convictions des anarchistes leur interdisant de signer par leur nom. Brassens s'en prend à la police, aux Staliniens, aux bellicistes et aux revanchards en tous genres. Le ton de ses articles est extrêmement agressif, et dégradant pour ses cibles. Ce journal, Brassens ira jusqu'à le vendre à la sortie du métro, avec Pierre Onteniente. Brassens passe beaucoup de temps dans les locaux de la fédération anarchiste, et dans ceux du Libertaire. Mais sa collaboration cesse assez vite.
Brassens ne défendra plus ses opinions politiques que par le truchement de ses chansons. Brassens ne soutiendra plus la FA qu'une fois, au cours de l'un des galas de la fédération anarchiste où on l'avait prié de venir chanter, quelques années plus tard. Brassens ne s'occupera dés lors plus guère de militantisme. Brassens évite prudemment de se mêler à Mai 68, alors que d'autres paroliers célèbres prennent le train en marche :
Georges Brassens continuera de parler de politique et de philosophie à travers son oeuvre, mais sous une forme beaucoup plus subtile, beaucoup plus atemporelle, et surtout beaucoup plus raffinée: la chanson. Ce mode d'expression se passe - et il faut le souligner - de toute hiérarchie. Brassens écrit directement à son public. Les seules contraintes qu'il doit affronter sont celles qu'il s'impose. La contrainte de la rentabilité est très tôt écartée par la personnalité du chanteur, et par son succès foudroyant. Cet indépendance financière le préservera de la compromission. Lorsqu'il écrit ses chansons, Brassens n'a plus de compte à rendre à un rédacteur en chef, à un mécène ou même à une fédération. Brassens veut échapper à toute compromission, et la haute idée qu'il se fait de la chanson le conduit à ne publier que des chansons profondes, réfléchies et formellement très avancées. On ne retrouvera que rarement dans ses chansons les plaisanteries faciles et légères qui émaillaient ses articles dans le Libertaire. En somme, plus de groupe car quand on est plus de deux, on est "une bande de cons"; et plus de coups de plume à l'emporte pièce, car la poésie est une affaire qui ne se traite pas à la légère.
Pour raffinées qu'elles soient, les chansons de Brassens ne laissent pas d'avoir un impact sur les opinions politiques. Ses chansons font réfléchir - sans doute plus que ses articles ne pouvaient le faire. Une grande partie de sa production est censurée par le pouvoir politique, et chacun écoute ce que Brassens a à dire. Un épisode houleux de sa vie d'artiste en atteste.
Brassens : " […]je pense qu'en mai 68, j'aurais été … je me serais mêlé de ces problèmes, mais en ma qualité d'anarchiste, je pense que c'était pas mes affaires. C'était les affaires des étudiants. Ce sont aux étudiant de régler leurs problèmes".
Jacques Chancel : "On vous a reproché …"
Brassens : "Oui mais on reproche tellement de choses à tout le monde. C'est un vue un peu courte de me reprocher d'être silencieux. Que voulez vous que je fisse ? Que j'allasse - comme diraient certains speakers de la télévision - sur les barricades ? On m'aurait reproché aussi d'essayer - je suis tout de même un homme public - on m'aurait reproché d'essayer de me mettre en avant. Je pense que les étudiants doivent régler eux même leur problèmes[…]"
3) Keny Arkana
Keny Arkana est une rapeuse française engagée. Elle milite aussi pour des causes proches de la philosophie altermondialiste, avec La Rage Du Peuple, collectif créé en 2004 dans un quartier du centre ville de Marseille.
Au travers de sa musique, elle retrace ses nombreux combats, notamment celui contre la globalisation capitaliste et contre l'oppression de l'État et du racisme institutionnel, mais aussi les moments difficiles de son enfance. Dans Eh connard elle s'en prend au directeur d'un foyer qui considérait qu'elle n'avait pas d'avenir. Elle rend aussi un hommage à son pays d'origine sur le titre "Victoria" et "distille des touches d'espoir et de conscience". Elle privilégie le militantisme, se définissant comme citoyenne avant d'être artiste.
Elle participe en 2004 à la fondation du collectif La Rage du Peuple qui milite pour "une colère positive, fédératrice, porteuse d'espoir et de changement" dans les cités. Elle intervient ainsi dans de nombreux forums altermondialistes en Afrique et en Amérique du Sud et en tire un documentaire vidéo intitulé Un autre monde est possible tourné au fil de ses pérégrinations au Brésil, au Mali, au Mexique et en France.
Cette vidéo est suffisante pour démontrer l'engagement et l'impact de l'artiste.