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L'engagement Musical d'Aujourd'hui

18 janvier 2009

Les Jeunes et la Musique

La place de la musique chez les jeunes est un phénomène que l'on ne peut ignorer. Il est inimaginable de nos jours qu'un adolescent ou même un adulte n'en écoute pas, elle tient une place considérable dans la société moderne.

Mais l'étendue de la musique n'a pas toujours été aussi importante. L'écoute musicale a commencé à se spécifier et à se personnaliser grâce à des évolutions technologiques importantes. La radio portable connaît une véritable expansion dès 1954. Avant il était très difficile pour un adolescent d’écouter de la musique de manière personnalisée et intime. On était généralement dans le salon familial, et il n’y avait pas vraiment d’écoute personnalisée. Il y a eu ensuite le juke-box et le transistor. L’adolescent a donc pu avoir sa radio dans sa chambre, et ainsi commencer à développer des idées, des comportements et un style.

Les comportements liés à des écoutes musicales sont nés avec les médias, il est évident que les médias les influencent. La télévision a eu la fonction de nous raconter ce que font les autres jeunes dans le monde et principalement aux Etats-Unis. Cela a créé tout un jeu d’imitations et de références communes. Les stars américaines sont devenues des stars mondiales bien avant qu’on parle de la mondialisation.

Aujourd’hui, pour la première fois dans l’histoire, la musique se regarde. Les chaînes musicales qui diffusent les clips vidéos véhiculent des modèles de tenues vestimentaires, de styles de danses, des attitudes à avoir, des expressions à adopter…

La musique fait partie des langages universels, et les codes qui découlent de ce langage permettent une très large interprétation et réception très profonde. Dans la musique c’est l’émotion qui prime. Ce n’est n’est pas un hasard si le thème principal de la chanson populaire est l’amour. La musique est indissociable de l’affectif, de la relation à l’autre. La musique est un art très communicatif, très social. Elle procure un plaisir qui est d’ailleurs ambivalent et qui consiste à être en soi et en même temps hors de soi, donc en dehors de la réalité quotidienne. Mais la musique peut également être le support et l’expression de la violence, de la révolte, de l’agressivité…

L'identification aux Idoles

Les rock-stars sont les vraies idoles de notre époque. Exclusivement de sexe masculin, ils sont de véritables héros populaires : par leur origine sociale souvent modeste, ils sont devenus des stars médiatiques grâce à un talent et à une présence scénique spectaculaire. Certains musiciens se comportent sur scène comme des « volcans sonores », avec un jeu scénique démesuré et une virtuosité hors du commun.

Notons que les grandes stars sont très souvent des guitaristes ou des chanteurs. Ils sont objets de culte et constituent des modèles pour les ados du monde entier. Jimi Hendrix malgré sa mort tragique en pleine gloire garde toujours son immense popularité tout comme Eric Clapton, Jimmy Page, Van Halen et tant d'autres. Leur légende continue de se transmettre.

Adeptes du style "blouson de cuir et tatouage sur le biceps" ou "boucle d’oreille", les adolescents ont une tenue vestimentaire qui correspond à leurs préférences musicales. À travers la musique, ils peuvent exprimer la rage et le désarroi partagés par les membres d’un même groupe d’appartenance.

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La musique est en quelque sorte le miroir de notre société et de ses problèmes. La consommation de drogues, les familles éclatées, le VIH, le chômage, font partie de notre triste réalité. Nombreux artistes sont issus des familles pauvres et éclatées, avec une scolarité chaotique, un passé marginal qui influence leurs créations musicales. Ainsi, pour de nombreux jeunes, la musique est un moyen de communication et un point de repère important dans la construction de soi. Mais la construction de soi comprend la naissance et/ou l'évolution de ses opinions, notamment politiques.

La musique engagée a-t-elle réellement un impact sur la société d'aujourd'hui?

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18 janvier 2009

I) Le Rock Engagé

"George W. Bush encourage la création"

(Chris Cornell d'Audioslave)

Le chant de révolte ou de resistance est donc étendu au travers du monde, dès les plus jeunes années. Qu'il soit aux Etats-Unis ou en France, son but est le même: dénoncer, remettre en  question, s'exprimer.

1) Rappel des origines du chant engagé

   L'hymne national de la République Française, la Marseillaise n'est peut-être pas à proprement parler un chant de révolte. Il s'agit au départ d'un chant de guerre et c'est bien ce que lui reprochent ses opposants aujourd'hui. Mais son lien étroit avec l'histoire de la révolution française et son aura populaire justifient sa présence ici. Elle a été créée en 1792 alors que l'assemblée constituante a convaincu le roi Louis XVI de déclarer la guerre à l'Autriche. Les troupes sont en garnison à Strasbourg et Rouget de Lisle, connu localement pour son Hymne à la liberté, se voit confier par les généraux et le maire de la ville la réalisation d'un chant de guerre pour encourager les troupes. Il compose alors le Chant de guerre pour l'armée du Rhin. Celui-ci est porté de ville en ville par les soldats et il atteint Marseille où il rencontre un vif succès auprès des Fédérés. Ils le chantent pendant leur trajet vers Paris qui les amène à participer à l'insurrection du Palais des Tuileries le 10 août 1792. C'est alors que le chant de guerre révolutionnaire prend le nom de Marseillaise. Rencontrant toujours un grand succès, la Convention du 26 messidor an III (14 juillet 1795) la décrète chant national. Interdite sous l'Empire et la Restauration, elle réapparait lors des Trois Glorieuses de 1830. Elle accompagnera, reprise par le peuple, la lutte contre la domination allemande pendant les trois guerres de 1870, 1914-1918 et 1939-1945.

Allons ! Enfants de la Patrie !

Le jour de gloire est arrivé !

Contre nous de la tyrannie,

L'étendard sanglant est levé ! (bis)

Entendez-vous dans les campagnes

Mugir ces féroces soldats ?

Ils viennent jusque dans vos bras

Égorger vos fils, vos compagnes.

Aux armes, citoyens !

Formez vos bataillons

Marchons, marchons

Qu'un sang impur, n'abreuve nos sillons

Aux Etats-Unis, le « protest song » a toujours été populaire. Des artistes comme Woody Guthrie ou Pete Seeger l'ont fait connaître à un large public. Le « protest song » américain est une véritable chanson de révolte moderne. C'est une chanson engagée, souvent accompagnée d'une ou plusieurs guitares, et qui traite volontiers des sujets politiques ou sociaux courants. L'éventail des sujets traités dans les textes de ces chansons est très vaste.

1059092280_small  Bob Dylan

Blowin' in the Wind de Bob Dylan est sans doute le point de départ d'une acceptation du « protest song » auprès des médias, la première chanson de révolte moderne à être diffusée a une échelle planétaire. Tirée d'un chant d'esclaves, un negro spiritual, qu'il arrange avec génie, cette chanson sera reprise par les 250 000 manifestants de la Marche sur Washington de Martin Luther King.

How many years must a mountain exist / before it is washed to the sea? How many years can some people exist / Before they're allowed to be free? An' how many times can a man turn his head, / An' pretend that he just doesn't see? The answer, my friend, is blowin' in the wind, /The answer is blowin' in the wind.

Combien d'années faut-il à la montagne pour arriver à la mer ? Combien d'années un peuple peut-il exister avant d'obtenir la liberté ? Et combien de fois un homme peut-il détourner la tête et faire comme s'il n'avait rien vu ? La réponse, mon ami, est portée par le vent, la réponse est portée par le vent.

Lorsque Bob Dylan chante cette chanson en avril 196, il n'avait que 21 ans. La guerre du Viêt Nam entraîne une mobilisation importante des jeunes américains autour de la non-violence et du droit des peuples et des hommes. La musique est leur porte-parole dans le conflit qui les oppose à la génération de leurs parents.

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Neil Young embraya le pas avec "Ohio" en 1970 sur l'album de Crosby, Stills, Nash & Young : "4 Way Street". La chanson a été inspirée par le meurtre de quatre étudiants par la police au campus de Kent dans l'Ohio.

  Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui continuent cette tradition: David Rovics, Jim Page, Mat Callahan, Micael Franti ou Anne Fenney ne sont que quelques exemples. Leur public s'est considérablement élargi pour toucher toutes les générations d'américains. Cependant, ces chansons ne sont quasiment pas diffusées par les médias.

2) La Politique dans le Rock

Depuis les fifties, le rock est synonyme de rébellion et souvent d’immoralité. Son arrivée a soufflé sur le monde occidental un vent de liberté qui déshabillait les adolescentes et remettait en cause le patrimoine et la culture conservatrice de leurs parents. Pour autant, le déhanché suggestif d’Elvis Presley et l’homosexualité affichée de Little Richard ne constituent pas une orientation politique (par contre, la dégaine du King obèse est un argument de poids pour dénoncer les méfaits de la surconsommation). L’absence de message politique est un constat qu’on peut élargir à tout le rock : combien de groupes, finalement, ont adopté un discours aussi marqué que celui des Clash, Gang Of Four, Rage Against the Machine ou Dead Kennedys, dont le leader Jello Biafra s’était présenté à l’élection municipale de San Francisco en 1979 en exigeant que policiers et homosexuels échangent leurs tenues ? A l’opposé, a-t-on déjà entendu parler d’une scène ‘Rock for Capitalism’ ? Le rap, qui a succédé au rock en tant que musique subversive, n'échappe pas à la règle : il n’avait d’autre ambition que de faire danser le public autour du sound-system.

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Bref, le rock est un rebelle sans cause. Dans "Rude Boy" , le film-documentaire tourné autour des Clash en 1980, on voit Ray, un jeune paumé, demander à son idole Joe Strummer la signification de "Brigate Rosse"(Les Brigades rouges (Brigate Rosse, BR) sont un groupe terroriste d'extrême gauche italienne, actif principalement pendant les années de plomb. ratiquant ce qu'ils appellent la "propagande par le fait", les différents groupes ayant utilisé l'appellation « Brigades rouges » ont été poursuivis et condamnés à diverses époques par les autorités italiennes. Les opérations (attentats et assassinats) ont fait au total 415 morts dans les années 1969-1988. On a compté environ 15 000 attentats durant ces années ; on peut ainsi parler de "guerre civile de basse intensité"..) Strummer, l’air distant, lui répond : "Oh, ça, c’est juste une marque de pizza…" L’exemple de neutralité le plus flagrant est celui du mouvement punk : il n’y a que ces gros lourds d’Exploited pour avoir pris le fameux "Anarchy In The UK" des Sex Pistols au premier degré. Il ne s’agissait bien sûr que de provocation. Quant au morceau "The KKK Took My Baby Away" des Ramones, il trahit la pensée réactionnaire de Johnny Ramone, qui venait de piquer sa copine à Joey quand celui-ci a écrit le texte de la chanson. Le rock n’a que faire de la politique : il veut s’amuser, profiter et ne surtout pas réfléchir. Même le MC5, vitrine du mouvement politique White Panthers dans les années 1960, s'est fendu du slogan suivant : "Baise et drogue en pleine rue !" Le rock est décidément plus animal que politique.

Si le rock n’est pas par essence politisé, il arrive quand même que les rockers se rassemblent autour d’une cause particulière. Et puisqu’il est impossible de distinguer une orientation politique claire dans la musique pop, il faut un combat fédérateur et plein de bons sentiments auquel s’opposer signifierait qu’on est vraiment un sale type : la faim en Ethiopie, la lutte contre le racisme, l’annulation de la dette des pays africains (Bono,chanteur du groupe U2, qui dîne avec les grands de ce monde, suscite l’admiration autant que la haine), les inégalités sociales (évoquées par Didier Super dans "Marre des pauvres"), etc. A défaut d’une noble cause, un événement précis pourra justifier l’engagement du rocker : le mouvement hippie, qui réunissait autant de gauchistes convaincus que d’adolescents en quête de filles décomplexées et de junkies à la recherche de "bonnes vibrations", s’est unifié autour de l’opposition à la guerre au Vietnam.

Quarante ans plus tard, c’est l’envoi de troupes américaines en Irak qui a déclenché un nouveau vent de contestation au sein du monde artistique : on se souvient par exemple de la tournée "Vote For Change" lancée en 2004 dans le but de faire élire John Kerry à la Maison Blanche. Depuis la réélection de Georges W. Bush, les têtes d’affiche du "Vote For Change", Bruce Springsteen et Michael Stipe de R.E.M.,vivent sous terre. Il n'empêche, le pamphlet anti-Bush est devenu un rituel quasi obligatoire pour qui veut faire la démonstration d’une conscience politique aiguisée : le Sweet Neo Con des Rolling Stones (qui n'hésite pas à attaquer le président des Etats-Unis et son administration de faucons néo-conservateurs, faisant notamment allusion à l'entreprise pétrolière Halliburton qui a été dirigée par le vice-président Dick Cheney et qui a obtenu d'importants contrats avec l'armée américaine en Irak. "You call yourself a Christian, I call you a hypocrite / You call yourself a patriot, well I think you're full of shit" ("Tu te dis chrétien, moi je dis que tu es hypocrite / Tu te dis patriote, moi je pense que tu es un sac de merde")) , Hell No! We Ain't All Right de Public Enemy ou les deux compiles Rock Against Bush en sont quelques exemples parmi des centaines d'autres.

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Autre personnalité politique à s’être attiré l’hostilité d’une grande partie des artistes, Margaret Thatcher. Morrissey (chanteur et auteur des Smiths, groupe de rock indépendant brittanique) lui a dédié le subtil Margaret on the Guillotine et plusieurs rockers anglais (l'ex-Jam Paul Weller, Billy Bragg (qui a collaboré très frequemment avec R.E.M. et Morrissey), les Housemartins (groupe de musique brittanique connu pour ses textes cinglants et engagés.), Jerry Dammers des Specials) ont formé le Red Wedge fin 1985 pour chanter les louanges du parti travailliste. En pure perte : Maggie sera réélue. Preuve que les rockers ont besoin d’un combat précis pour s’engager. Et qu’on ne les écoute pas beaucoup…

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3) Le rock engagé en France

On parle bien du rock français "assumé", de cette scène mélangeant l'influence de Jacques Brel et des Clash apparue dans le sillage de Dominique A, non des pastiches souvent maladroits d'artistes rock anglo-saxons comme Dick Rivers, Trust… Des groupes comme Mickey 3D (devenu maintenant Mickey est tout Seul suite à une récente séparation du groupe), Louise Attaque ou les Têtes Raides sont devenus les modèles d’un rock vaguement altermondialiste, ne ratant jamais une occasion de vilipender l’extrême droite, et d’une démarche artistique intègre au point d'en être manichéenne : ne pas passer à la radio est devenu une marque d’authenticité. Ces artistes s'inscrivent dans la tradition de Léo Férré et Georges Brassens, des chanteurs rive gauche et de la chanson française satirique, qui avaient en commun un goût prononcé pour la subversion et une attirance modérée pour le succès dont découle leur grande discrétion face aux médias. Il est logique de retrouver cette posture chez ceux qui, aujourd’hui, revendiquent leur héritage.

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Le fait que le rock français penche à gauche est aussi dû au fait qu’il s’oppose, chez nous, au populaire. Il affiche des références pointues, qu'elles soient francophones (Font et Val) ou anglo-saxonnes (Gun Club, le modèle américain de Noir Désir). Le mythe selon lequel la qualité est inversement proportionnelle au nombre de ventes est d'ailleurs très répandu, d'où un certain mépris pour le grand public. Par exemple, les musiciens de Berurier Noir se sont séparés après qu’un de leurs morceaux est passé sur NRJ (radio crée en 1981 visant un public jeune, "NRJ" signifaint (outre "énergie") "Nouvelle Radio Jeune"), ce qui constituait à leurs yeux une forme de trahison à la cause… Quel rapport entre le succès et l'engagement politique ? Au même titre que le jury des Césars se refuse encore à récompenser des comédies, les rockers sont complexés par le succès, forcément capitaliste. Comme s'il fallait être pauvre pour être de gauche... L'arrivée de nouveaux chanteurs populaires tels que Bénabar, qui a lui aussi gagné son public sur scène et non à la radio, pourrait accoucher d'un paysage musical "à l'anglaise". Ni poses ni complexes : il n'existe de l'autre côté de la Manche qu'une seule catégorie, la musique populaire. Une directrice des ressources humaines peut très bien écouter Blur. Il suffit d'ailleurs de regarder la programmation de Top Of The Pops ou le palmarès des Brit Awards pour se rendre compte qu’il n’y a pas, là-bas, de hiérarchie entre PIL (groupe art-rock) et les Spice Girls (vulgairement populaires).

LYDON1302 untitledles Spice Girls

      A n’en point douter, la majorité des rockers actuels afficheraient plus volontiers un t-shirt à l'éfigie de Che Guevara ou le logo Anarchy qu’un drapeau américain. Mais en vérité, le rock est devenu réactionnaire. Le discours est là mais, dans les faits, il ne cherche plus à se renouveler comme à ses débuts. Les têtes d’affiche des années 2000, qu’on a réunies sous l’appellation officielle de “retour du rock”, réutilisent le patrimoine, les codes et les références de leurs aînés des décennies 1960 ou 1970. Sans pour autant mettre en cause la qualité de leurs chansons, il est difficile de prétendre que les Whites Stripes, The Strokes ou Interpol ont amené quelque chose de nouveau : comme dans tout revival, ils se contentent de réactiver la nostalgie d'un âge d’or fantasmé et révolu. Leur démarche est dictée par la loi du "c'était mieux avant". Le rock est désormais une musique hermétique au renouvellement, passéiste et institutionnelle.

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18 janvier 2009

II) Le Rap

"Style de musique disco dont les paroles hachées sont récitées sur un fond musical très rythmé". Voilà la définition que l'on trouve dans le petit robert 2004 en face du mot "rap". Elle temoigne d'une assez grande méconnaissance de cet art malgrès 20 années de présence en france. Le rap est d'abord un genre musical associé à un ensemble d'expressions artistiques et culturelles qui se retrouvent dans la culture hip-hop, représentée par le Deejaying, le Human beat-box, les danses urbaines (break, smurf, hype, double dutch...), une mode vestimentaire, des expressions graphiques (tag et graffiti), un langage, ainsi que des attitudes et des valeurs. En France, ce phénomène prend de l'importance, à partir des années 80, par l'intermédiaire de la danse. A la fin des années 80, de nombreux groupes de rap se créent, des jeunes revendiquent la spécificité de leurs difficultés, leurs espoirs et leurs révoltes.

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a) Son Apparition

Le rap est issu des milieux urbains voués au silence. Ville de tous les excès, de tous les paradoxes, symbole de la débâcle du capitalisme sauvage; New York ne pouvait être que la mère nourricière des premières voix qui allaient s’élever contre cette fatalité sociale que représente le ghetto américain. A la fin des années 1970; pour échapper à la prison, le cimetière ou la drogue, les jeunes noirs de Brooklyn et du Bronx préfèrent la résistance artistique à l’action violente en faisant de la rue leur territoire d’expression. Les règlements de compte ne se font plus à l’arme blanche, mais par la danse, le graphisme ou la musique. Cette nouvelle forme d’art fraternel et spontané a pour nom le HIP-HOP et se décompose en trois disciplines : le chant, la danse et la peinture ( graphisme mural ). De ces trois modes d’expression, la musique Rap va alors apparaître comme le nouveau style de musique noire dans le sillon creusé par la Soul et le Funk. Le rap est un manifeste distillant des messages politiques sur le quotidien des ghettos urbains. En formulant l’angoisse, le désespoir ou le mal-être, il donne une voix aux proscrits; leur permettant ainsi de revendiquer, de communiquer sous la forme la plus simple et la plus accessible : un microphone, une platine et quelques disques.

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En France, les jeunes des cités; bien que différentes des ghettos américains, se reconnaissent dans cette forme d’expression. D’abord imité, le rap des grands frères américains est assimilé puis digéré pour s’en affranchir et donner naissance à un rap spécifiquement français. Aujourd’hui, il existe un véritable label “ Rap français “ qui se caractérise par la richesse et la variété de ses auteurs; issus en grande majorité des différentes communautés de la population immigrée. Mais il se distingue aussi par l’originalité et la spécificité de son verbe, de sa verve, de son langage, qui puisent directement dan le vocabulaire des banlieues.

b) Son Apparence Négative

Le rap a mauvaise réputation. On peut même dire que le rap est précédé par un certain nombre de clichés, de préjugés.

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Le rappeur 50 Cent entretient grandement les mauvais préjugés du rap en exhaltant dans ses clips vidéo le luxe, la violence et le sexe.

Le mouvement rap, entendons par-là les artistes rap et leur public, véhicule une image plus que négative. La violence et l'agressivité sont les deux maîtres-mots qui constituent l'ensemble des clichés affiliés au rap. Mais ce n'est pas tout; on reproche également au rap d'être non seulement violent et agressif, mais aussi superficiel, sexiste, matérialiste, terre à terre, incohérent, répétitif...

Marginal et contestataire depuis sa création le rap a toujours "traîné" une image de musique rebelle et anticonformiste. Issue des ghettos nord-américains, cette nouvelle tendance a très tôt suscité la curiosité mais aussi la crainte. Original dans la forme mais aussi dans le fond, le rap a rencontré de gros problèmes d'intégration dans l'industrie musicale. En effet, provenant des quartiers dits "défavorisés", les artistes rap ont immédiatement été vu comme des "voyous s'essayant à la musique".  Les rappeurs, pour la plupart issus de ces zones urbaines défavorisées, ont donc logiquement été considérés comme des gens "peu fréquentables". Le rap a été stigmatisé comme une musique de délinquants, faite par et pour des délinquants. C'est comme si le rap avait colporté avec lui tous les clichés, tous les stigmates que connaissent les quartiers dits "sensibles".

Les différents stigmates véhiculés par la presse sont étonnamment repris par les acteurs de la scène rap. A la vue de ce texte, on s'aperçoit que l'ensemble des clichés des la revues de presses ( violence, sexe, drogues ) sont repris un par un.  Il est question tour à tour de "bizness illégaux",de violence gratuite, de vêtements, de voitures, de sexe, de drogues, ... de tout ce qui constitue le côté obscur du rap. Force est de constater que les rappeurs prennent un malin plaisir à reprendre ces clichés et vont même jusqu'à se les approprier. Alors que le mouvement hip-hop prônait, à ses débuts, la paix, l'amour et l'unité ( peace, love and unity ) ainsi qu'une vie saine; il semble que cette période soit désormais révolue. Les rappeurs, à travers des textes explicites et crus, font l'apogée d'un certain mode de vie que l'on pourrait qualifier de déviant.

134429 le rappeur Booba

LUNATIC avec le titre "HLM 3"
Extrait de l'album "Mauvais Oeil".

Booba

J’kiffe ( j'aime ) les bizness illégaux
La sape, les caisses et les gos ( les filles )
Smoker ( fumer ) des gros bouts d’shit, après j’ai l’groove grave
Bédave ( fumer ), sexe, pillave ( boire ) sec dans mon clan
J’peux pas faire mieux qu’mon rap de banlieue
J’rappe comme j’cause, haine à grosse dose,
La rage comme guide et c’est pour ça qu’j’parle toujours des mêmes choses,
Tchatche de la zone, prône la guerre aux autres hommes
Ceux qui parlent trop mal, chope et hop sous l’trôme
J’aime la grande vie
C’est la merde, mais j’l’aime car c’est la mienne
Y’a pas de bonheur sans problèmes
Réveil impulsif, j’roule un spliff de skunk,
Et j’kick sur un beat de funk
Pas de lyrics de fils de pute,
Insolent même sur mes bulletins,
Cousin, j’suis l’bitume avec une plume

c) Son Engagement

Issu des quartiers pauvres, le rap a immédiatement orienté son discours vers un message social. Fin des années 1980, le groupe américain Public Enemy est à la fois le groupe le plus politisé ( extrême gauche et pro-black ) de la scène rap américaine et le numéro un des ventes. En France, des groupes comme Assassin, NTM, IAM sont les leaders du mouvement rap, que ce soit en terme de crédibilité ou en terme de ventes; et tiennent tous un discours ouvertement engagé. La plupart d’entre eux placent le côté social, voir même politique, au centre de leur oeuvre. En tant que groupes dominants de la scène rap, en tant que détenteurs de la norme rapologique, les thèmes abordés par ces groupes font référence dans toute la production musicale de l’époque.  Au début des années 1990, un rappeur se devait d’avoir un discours politiquement engagé, de prendre parti sur la question de la lutte des classes et surtout d’apporter un message contestataire, révolutionnaire, social. Les textes “ à l’eau de roses “ étaient minoritaires voir inexistants ( voir entretien avec Hamé ). En revanche, un rappeur qui abordait des sujets tels que les conditions de vie des classes défavorisées, ou le statut des jeunes immigrés de la seconde génération, ou encore les violences policières dans les quartiers dits “ sensibles “ étaient majoritaires. Le rap était explicitement engagé et si un rappeur voulait être reconnu par ses pairs, il se devait de prendre position politiquement. Un discours engagé représentait la caractéristique première du couplet de rap. Ce côté “revendicatif” a d’ailleurs été souvent caricaturé par certains humoristes.

RAU_200_punks_895eble groupe NTM

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les groupes Assassin et IAM

Hors cette norme a changé. Il y a eu une évolution, les valeurs ont changé, les représentations produites par la nouvelle norme ont changé.

d) Son Evolution

Le rappeur, ainsi que son discours, est devenu moins engagé. L’aspect récréatif, festif, superficiel du mouvement rap a pris le dessus. Il ne s’agit plus de politiser le message, au contraire il s’agit d’être le plus neutre possible. De ne plus prendre position. Il ne faut plus axer son message sur le caractère social, mais bel et bien sur des sujets qui rassemblent le plus grand nombre et qui, en quelque sorte, ne dérangent plus. Des textes pasteurisés, un message festif et édulcoré, la volonté de ne plus prendre parti; et cela pour mieux vendre, telles sont les valeurs qui caractérisent les artistes rap de la nouvelle norme. Certes on peut dire que la priorité a été portée sur la musicalité, sur une volonté de ne pas trop “lester” une ambiance déjà tendue dans les banlieues dites difficiles. Toujours est-il que le message n’est plus le même. Les valeurs, références et représentations passées ne sont plus au goût du jour. Les revendications sociales, les messages politiques et l’ensemble de l’élan révolutionnaire qui caractérisaient le rap à ses débuts ne sont plus. Pour être dans la nouvelle norme rapologique, il faut dorénavant avoir un message plus “léger”, moins engagé. Il est préférable d’écrire une chanson à la gloire d’une marque de voiture plutôt que de dénoncer certaines injustices sociales.

 

conclusion

Le rap a pu par le passé et pourrait toujours constituer une menace à l’égard de l’ordre établi. A systématiquement subir l’oppression, à se voir régulièrement victime des formes les plus diverses et les plus excessives de brutalité, dont il n’est même pas besoin de rappeler les excès, l’expression symbolique de la violence n’est pas seulement légitime, elle devient nécessaire. Car la prise de parole est toujours préférable à un passage à l’acte ; le rap « engagé », qui dominait le mouvement jusqu’au début des années 90 remplissait donc un rôle d’exutoire. On peut même dire qu’il était de l’ordre de « l’intérêt public », puisqu’en exprimant les frustrations, il rendait moins probable le passage à l’action. Le rap prenait donc à son compte cette indispensable manifestation de l’agressivité et avait pour espoir, non réalisé en France, d’en fédérer l’expression dans une mise en perspective de tous les courants de la culture populaire. C’est précisément ce pouvoir de fédérer la parole de toute une population défavorisée qui effrayait les classes « bien pensantes ».

18 janvier 2009

III) Quelques Figures Importantes

1) La Rumeur

La Rumeur est un groupe de rap français créé en 1995 qui est composé de quatre rapeurs: Ekoué, Hamé, Philipe et Mourad. Il se compose aussi de deux DJ: Soul G et Kool M).

La Rumeur se dit être un groupe "underground" et subversif et souhaite se démarquer par cela des autres groupes de rap français qui, selon eux, adaptent leurs textes dans un but commercial ou pour passer sur des radios telles que Skyrock ou NRJ.

En 2002, Nicolas Sarkozy porte plainte contre un texte publié dans le magazine de La Rumeur.

"Ca y est, les partisans chevronnés du tout sécuritaire sont lâchés. La bride au cou n’est plus et l’air du temps commande aux hommes modernes de prendre le taureau par les couilles. Postés sur leurs pattes arrières, les babines retroussées sur des crocs ruisselant d’écume, les défenseurs de « l’ordre » se disputent à grands coups de mâchoires un mannequin de chiffon affublé d’une caquette Lacoste.

Sociologues et universitaires agrippés aux mamelles du ministère de l’intérieur, juristes ventrus du monde pénal, flics au bord de la crise de nerfs en réclamation de nouveaux droits, conseillers disciplinaires en zone d’éducation prioritaire, experts patentés en violences urbaines, missionnaires parlementaires en barbe blanche, journalistes dociles, reporters et cinéastes de « l’extrême », philosophes amateurs des garden-parties de l’Elysée, idéologues du marché triomphant et autres laquais de la plus-value ; et bien évidemment, la cohorte des responsables politiques candidats au poste de premier illusionniste de France... tous, jour après jour, font tinter en prime-time le même son de cloche braillard :

« Tolérance zéro » !!! ` « Rétablissement de l’ordre républicain bafoué dans ces cités où la police ne va plus ».

Ils sont unanimes et hurlent jusqu’à saturation, à longueur d’ondes et d’antenne, qu’il faut « oser » la guerre du « courage civique » face aux hordes de « nouveaux barbares » qui infestent la périphérie de nos villes. Qu’on en finisse avec le diable !!! l’ennemi intérieur, fourbe et infâme, s’est immiscé jusque dans nos campagnes et y a pris position. Ne craignons pas les contrats locaux de sécurité, les couvre-feux, l’abaissement de l’âge pénal à 13 ans, l’ouverture de nouveaux centres de détention pour mineurs, la suppression des allocations familiales aux familles de délinquants... Que la caillera se le tienne pour dit, la République ne laissera pas sombrer le pays dans le chaos apocalyptique des vols de portables, du recel d’autoradios ou du deal de shit sous fond de rodéos nocturnes...

La République menacée, la République atteinte mais la République debout !!! Quelle leçon d’héroïsme ! Quelle lucidité d’analyse ! Et quel formidable écran de fumée !! A la table des grand-messes, la misère poudreuse et les guenilles post-coloniales de nos quartiers sont le festin des élites. Sous les assauts répétés des faiseurs d’opinion, les phénomènes de délinquance deviennent de strictes questions policières de maintien de l’ordre ; les quartiers en danger se muent en quartiers dangereux dont il faut se protéger par tous les moyens ; et les familles immigrées victimes de la ségrégation et du chômage massif, endossent la responsabilité du « malaise national ».

La crème des auteurs de la pensée sécuritaire joue à l’idiot à qui on montre la lune du doigt et qui regarde le doigt. Exit les causes économiques profondes. Exit les déterminismes sociologiques. Exit le risque que le débat prenne un jour l’aspect d’un réquisitoire contre les vrais pourvoyeurs d’insécurité : ceux-là même qui ont réduit des centaines de milliers de famille à vivre avec 4000 francs par mois ; ceux-là même qui appellent de leurs vœux les plus chers la marche forcée vers « l’économie de marché débridée ».

Nous ne lirons pas, dans la presse respectable, que les banlieues populaires ont été, depuis une vingtaine d’années, complètement éventrées par les mesures économiques et sociales décidées depuis les plus hautes sphères de l’Etat et du patronat pour pallier à la crise sans toucher à leur coffre-fort.

Nous n’entendrons pas sous les luminaires des plateaux de télévision, qu’à l’aube maudite du mitterrandisme, nos parents et nos plus grands frères et sœurs ont été les témoins vivants d’une dégradation sans précédent de leur situation déjà fragilisée.

L’histoire officielle ne retiendra pas l’énergie colossale déployée par les gouvernements des trois dernières décennies pour effacer les réseaux de solidarité ouvrière enracinées dans nos quartiers. Pas plus qu’elle ne retiendra le travail de récupération et de sape systématique des tentatives d’organisation politique de la jeunesse des cités au milieu des années 80.

Qui parmi les scribouillards du vent qui tourne s’indignera de l’opacité entretenue vis-à-vis de la vallée de larmes et de combats que fut l’histoire de nos pères et grands-pères ? Parmi ces hommes de paille éructant la « croisade républicaine », combien déclareront la guerre du « courage civique » devant les ravages psychologiques du mépris de soi chez des générations qui atteignent la vingtaine avec 8 ans d’échec scolaire et 3 ans de chômage ? Les logiques d’autodestruction (toxicomanie, alcoolisme, suicide...) où certains d’entre nous sont conduits par pur désespoir et complète perte de foi en l’avenir, mériteront-elles quelconque voix au chapitre de l’insécurité ?

Les pédagogues du dressage républicain n’auront pas en ce sens la critique fertile. Ils n’esquisseront nulle moue face à la coriace reproduction des inégalités sociales au travers des échelons du système scolaire, ni l’élimination précoce du circuit de l’enseignement de larges franges de jeunes qui ne retiennent de l’école que la violence qui leur a été faite. Les rapports du ministère de l’intérieur ne feront jamais état des centaines de nos frères abattus par les forces de police sans qu’aucun des assassins n’ait été inquiété. Il n’y figurera nulle mention de l’éclatement des noyaux familiaux qu’ont provoqué l’arsenal des lois racistes Pandraud-Pasqua-Debré-Chevènement et l’application à plein rendement de la double peine.

Les études ministérielles sur la santé refermeront bien vite le dossier des milliers de cancers liés à la vétusté de l’habitat ou au non-respect des normes de sécurité sur les chantiers de travail. La moyenne effroyablement basse de l’espérance de vie dans nos quartiers ne leur semblera être, elle aussi, qu’un chiffre indigne de tout commentaire. Bref, ils n’agiteront jamais au vu de tous le visage autrement plus violent et criminel de l’insécurité. Aux humiliés l’humilité et la honte, aux puissants le soin de bâtir des grilles de lecture.

À l’exacte opposée des manipulations affleure la dure réalité. Et elle a le cuir épais. La réalité est que vivre aujourd’hui dans nos quartiers c’est avoir plus de chance de vivre des situations d’abandon économique, de fragilisation psychologique, de discrimination à l’embauche, de précarité du logement, d’humiliations policières régulières, d’instruction bâclée, d’expérience carcérale, d’absence d’horizon, de repli individualiste cadenassé, de tentation à la débrouille illicite... c’est se rapprocher de la prison ou de la mort un peu plus vite que les autres...

Les hommes et les femmes qui dirigent ce pays savent tout cela. Ils savent aussi que la libéralisation massive de la vie économique française est en très bonne voie. Ils savent que les privatisations, les fusions, les délocalisations de nombreux secteurs d’activité vont se généraliser comme va se généraliser la paupérisation. Ils savent que la nouvelle configuration du marché exige la normalisation du salariat précaire et l’existence d’une forte réserve de chômeurs et de sans-papiers.

Et ils savent surtout que les banlieues populaires (parce qu’elles subissent de plein fouet et avec le plus d’acuité les mutations de la société française) sont des zones où la contestation sociale est susceptible de prendre de radicales formes de lutte si elle trouve un vecteur qui l’organise. On comprendra qu’il est de nécessité impérieuse d’installer toujours plus d’instruments de contrôle et de répression « éclair » au sein de nos quartiers. On comprendra que le monde du pouvoir et du profit sans borne a tout intérêt à nous criminaliser en disposant de notre mémoire et de nos vies comme d’un crachoir."

Ce texte, écrit par Hamé, est accusé de "porter attiente à l'honneur et a la consideration de la police nationnale". La phrase qui est le plus porté a controverse dans le teXte de hamé l'insecurité sous la plume d'un barbare est celle-ci " les rapports du ministère de l'interieur ne feront jamais état des centains de nos frère abattus par les force de police sans qu'aucun des assassins n'ait été inquiété"

Il est relaxé une première fois le 17 juin  2004, puis une nouvelle fois le 23 juin 2006. Pourtant l'avocat général de la cour de cassation demande une nouvelle fois l'annulation de cette decision et donc Hamé sera une fois encore renvoyé en cour d'appel. Son avocat Maître Dominique Tricaud parle "d'acharnement". Pour ce troisième procès, Hamé sera accompagné de cinq témoins: deux historiens, un journaliste, un sociologue, un chercheur au cnrs et un linguiste. Ces derniers l'ont aidé a mettre en place une défense d'odre politique pour prouver que son article est historiquement fondé. En effet, Hamé fait référence au massacre du 17 octobre 1961, de la station Charonne.

De nombreuses personnes soutiennent Hamé et La Rumeur. Une pétition circule.

Appel : Soutien à La Rumeur, lancé en 2007

Nous artistes, intellectuels, et citoyens, nous déclarons solidaires du groupe de rap La Rumeur, poursuivi avec acharnement et malgré deux relaxes, depuis cinq ans par le ministère de l’intérieur pour avoir publié un texte mettant en cause les violences policières depuis plusieurs décennies en France.

Nous le faisons au nom du principe fondamental de la liberté d’expression. Mais aussi parce que nous estimons qu’il est urgent que s’ouvre enfin un débat sans tabou sur les pages sombres de l’histoire de la police française.

La justice doit reconnaître qu’il n’est pas diffamatoire de revenir sur les massacres d’octobre 1961, de Charonne, ou les bavures commises depuis les années 80.

Signataires :

Noir Désir, Mouss et Hakim (Zebda), Kader Aoun, Jacky Berroyer, Benjamin Biolay, Cali, Esther Benbassa (directrice d’études à EPHE-Sorbonne), Denis Robert (écrivain), Olivier Cachin (journaliste), Christophe Honoré (réalisateur), Raphaël Frydman (réalisateur), Erik Blondin (gardien de la paix), Geneviève Sellier (universitaire), Philippe Manoeuvre (rédacteur en chef de Rock & Folk), Bruno Gaccio (auteur), Lydie Salvayre (écrivain), François Bégaudeau (écrivain), Bernard Comment (écrivain, éditeur), Collectif Les mots sont importants et 8000 autres personnes.

L'exemple de Hamé montre que la musique engagée a toujours un impact très important sur la société mais aussi sur les hommes politiques.

2) Georges Brassens

Brassens s'est toujours défendu de tout activisme politique. Il s'est soigneusement maintenu à distance des hommes et des partis, et s'il a pu tenir des propos à teneur politique, ceux-ci n'ont jamais visé à soutenir un homme politique. Il faut à cet égard citer un passage de l'Interview de Jacques Chancel :

Jacques Chancel : "Politiquement, vous auriez pu faire une carrière."

Georges Brassens : "Non, non. Un anarchiste ne se mêle pas de politique."

Brassens s'est seulement permis de critiquer quelques partis, et quelques hommes, à travers sa production écrite et chantée. Il a aussi exprimé de façon plus ou moins complexe son appartenance à la mouvance des idées anarchistes. Pour autant que l'on veuille bien concevoir le mot politique au delà de son sens profane - l'ensemble des hommes et des partis qui comptent dans la démocratie Française -, on doit donc admettre que Georges Brassens a un parcours politique, en tant que sympathisant anarchiste, et en tant qu'homme qui a voulu émettre des opinions à teneur politique. En d'autres termes : non, Brassens n'a pas participé de près ou de loin au jeu politique ; oui, Brassens a réfléchi et s'est exprimé sur des sujets politiques, et il a eu des rapports étroits avec la fédération anarchiste. Il est donc impropre de parler d'apolitisme lorsque l'on cherche à qualifier Georges Brassens.

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La première trace que l'on ait de l'expression d'opinions politiques par Brassens date de 1943-1944. Cette période correspond à son séjour à Basdorf, dans un camp de travail du STO. Brassens n'est pas particulièrement hostile aux Allemands : il est, et a toujours été pacifiste. Mais de là à apprécier qu'on l'oblige à travailler pour la guerre, qu'on l'oblige à se rendre en Allemagne et à vivre dans un camp, il y a un pas qu'il ne franchira pas. Avec quelques compagnons de chambrée, Brassens fonde un parti subversif, qu'ils baptisent le parti des "briséistes", du nom d'une chanson écrite par Brassens. Il s'agit sans doute de la première chanson de Brassens qui témoigne de la malice et de l'inventivité qui nous vaudront plus tard 'la guerre 14/18', où d'autres chansons d'opinion à la facture sophistiquée. C'est déjà un excellent texte métaphorique, qu'il faut lire avec attention si l'on veut en comprendre la portée.

La Ligne Brisée

                                     Sur la sécante improvisée

                                     D'une demi-sphère céleste

                                     Une longue ligne brisée

                                     Mais harmonieuse et très leste

                                     Exécute la danse de Saint-Guy

                                     Exécute la danse (Bis)

                                     Exécute la danse de Saint-Guy

                                     Onduleuse leuse, leuse

                                     Onduleuse elle erre sur l'heure

                                     Nébuleuse, leuse, leuse

                                     Astronomiquement fabuleuse

                                     Scandaleuse, scandaleuse

                                     Et zigzague elle zigzague

                                     Et zigzague donc-on-on

                                     Sur l'air vague, vague, vague

                                     Que cette ligne est indécen-en-en-en-te

                                     Huons-la... (Quatre fois)

                                     Allons-y, un, deux, trois

                                      À mort la ligne qui n'est pas droite

                                     Allons-y, un deux, trois

                                     De se briser qui lui donna le droit

                                     Dites-le-nous, dites-le-moi

Toujours est-il que Brassens, qui est un peu le chef coutumier de sa chambrée - si l'on en croit Louis-Jean Calvet - propage avec sa bande le mystère de la ligne brisée. On réalise de petites affichettes sur lesquelles on peut lire "La ligne brisée, qu'est-elle, que veut-elle ? Les briséistes, que veulent-ils ?". On dessine sur tous les murs des lignes brisées - sortes de serpents ondulants. L'administration Allemande est intriguée, mais ne parviendra pas à remonter à la source de la contestation. Irritée par cet épisode, elle prendra sa revanche en interdisant le port de la barbe aux français. Mais les Briséistes n'en restent pas là, et ils créent un sigle : PAF - paix au Français. Brassens écrit en quelques heures l'hymne des PAFS.

Ces deux chansons, qui ne sont pas proprement politiques, mais qui auraient maille à partir avec la philosophie politique, sont un indice avant-coureur des convictions anarchistes et pacifistes de Brassens. On peut noter que - pour une fois -, Brassens s'est prêté au jeu de la contestation en groupe. On ne l'y reprendra plus, puisque lorsque l'on est plus de deux, on est "une bande de cons" - comme il le chantera. Pour l'heure, Brassens est le "roi" des pafs, le médiateur et le correcteur orthographique de sa chambrée, et il s'en accommode très bien. Le sigle PAF a été peint en grand sur le mur du fond de la chambrée, et l'administration du camp ne fait rien pour se renseigner sur eux.

On retrouve Brassens en juin 1945. Il fonde à 24 ans, avec deux amis - Emile Miramont et André Larue - un parti ! Mais il ne s'agit pas d'un parti ordinaire : son nom résume à lui seul la prétention des trois hommes, tourner en dérision les partis, et faire l'apologie d'une vie plus simple. Miramont, Larue et Brassens le baptiseront "parti préhistorique". Les trois hommes ont la conviction que "le seul retour à la vie primitive doit pouvoir empêcher le monde de tomber dans la décadence" - biographie de Brassens par Jean-Michel Brial. Dans le même esprit, ils fondent un journal, qu'ils appellent "le cri des gueux". Peu à peu, l'équipe est rejointe par quatre autres hommes. Le projet semble sérieux, puisque l'un d'entre-eux s'occupe de l'administratif, et qu'un autre est en charge de la maquette. Les articles et les maquettes affluent bien vite. Brassens écrit des articles, contrôle l'orthographe, et définit la ligne éditoriale. Brassens détaille le ton à adopter pour chaque article, et sur plusieurs thèmes.

La politique: Deux politiques, la bonne et la mauvaise. Si le
gouvernement en fait de la bonne, la suivre (ou faire semblant),
s'il en fait de la mauvaise, lutter contre lui en éclairant les
citoyens mal renseignés à son sujet. Comme le mariage, la
politique est une nécessité économique. Une forme unique de
politique serait idéale, mais théoriquement impossible (pratique-
ment, c'est la dictature), car les hommes n'arrivent jamais à
s'entendre parfaitement. On ne pourrait supprimer la politique
que si tous les hommes étaient vertueux.

Brassens ne pourra pas utiliser le journalisme comme forme d'expression : en dépit des multiples prises de contact avec divers mécènes, le 'cri des gueux' ne trouvera aucun financement. L'équipe du journal parle en terme d'idéal - de justice, de fraternité -, alors que les éditeurs qu'ils rencontrent ne connaissent que le mot rentabilité. Brassens débordant d'idées et d'opinions, Brassens voulant donner son avis sur la politique, ne pourra donc pas s'exprimer dans les colonnes du "cri des gueux".

Mais une autre occasion se présentera bientôt. Quelques mois plus tard - en 1946 -, Brassens est introduit par une connaissance à la fédération anarchiste du XVe arrondissement. Brassens ne tarde pas à se faire reconnaître par les militants anarchistes de la FA, si bien que Henri Bouye propose à Brassens un poste de correcteur au marbre - bénévole - dans le libertaire. La FA adopte en 1947 une résolution qui rend bien compte de ses objectifs : "La FA doit viser à la généralisation, à la simultanéité et à l'internationalisation des grèves et des mouvements sociaux. Elle doit conduire à la grève générale expropriatrice […]" Gaston Leval publie en 1948 un ouvrage qui fait etat des solutions proposées par une partie des militants de la FA. Brassens y a nécessairement été confronté. La société future repose selon lui sur trois piliers : les coopératives, les syndicats et les municipalités. Très vite, cependant, le climat d'agitation sociale se tasse, et la FA voit ses adhérents diminuer. Le libertaire se vend lui aussi de moins en moins.

Brassens aura donc connu l'apogée du Libertaire de l'après-guerre, ainsi que le début de son déclin. Il a vécu dans l'atmosphère et les idées de la fédération anarchiste, tout en se situant plutôt dans le courant individualiste-pacifiste, c'est à dire l'aile la plus libertaire des anarchistes. L'aile la moins libertaire est d'inspiration ouvrière et anarcho-syndicaliste. Après y avoir officié en tant que correcteur, Brassens publie une série d'articles dans le libertaire, dont 15 sont attestés par son pseudonyme - les convictions des anarchistes leur interdisant de signer par leur nom. Brassens s'en prend à la police, aux Staliniens, aux bellicistes et aux revanchards en tous genres. Le ton de ses articles est extrêmement agressif, et dégradant pour ses cibles. Ce journal, Brassens ira jusqu'à le vendre à la sortie du métro, avec Pierre Onteniente. Brassens passe beaucoup de temps dans les locaux de la fédération anarchiste, et dans ceux du Libertaire. Mais sa collaboration cesse assez vite.

Brassens ne défendra plus ses opinions politiques que par le truchement de ses chansons. Brassens ne soutiendra plus la FA qu'une fois, au cours de l'un des galas de la fédération anarchiste où on l'avait prié de venir chanter, quelques années plus tard. Brassens ne s'occupera dés lors plus guère de militantisme. Brassens évite prudemment de se mêler à Mai 68, alors que d'autres paroliers célèbres prennent le train en marche :

Georges Brassens continuera de parler de politique et de philosophie à travers son oeuvre, mais sous une forme beaucoup plus subtile, beaucoup plus atemporelle, et surtout beaucoup plus raffinée: la chanson. Ce mode d'expression se passe - et il faut le souligner - de toute hiérarchie. Brassens écrit directement à son public. Les seules contraintes qu'il doit affronter sont celles qu'il s'impose. La contrainte de la rentabilité est très tôt écartée par la personnalité du chanteur, et par son succès foudroyant. Cet indépendance financière le préservera de la compromission. Lorsqu'il écrit ses chansons, Brassens n'a plus de compte à rendre à un rédacteur en chef, à un mécène ou même à une fédération. Brassens veut échapper à toute compromission, et la haute idée qu'il se fait de la chanson le conduit à ne publier que des chansons profondes, réfléchies et formellement très avancées. On ne retrouvera que rarement dans ses chansons les plaisanteries faciles et légères qui émaillaient ses articles dans le Libertaire. En somme, plus de groupe car quand on est plus de deux, on est "une bande de cons"; et plus de coups de plume à l'emporte pièce, car la poésie est une affaire qui ne se traite pas à la légère.

Pour raffinées qu'elles soient, les chansons de Brassens ne laissent pas d'avoir un impact sur les opinions politiques. Ses chansons font réfléchir - sans doute plus que ses articles ne pouvaient le faire. Une grande partie de sa production est censurée par le pouvoir politique, et chacun écoute ce que Brassens a à dire. Un épisode houleux de sa vie d'artiste en atteste.


Brassens : " […]je pense qu'en mai 68, j'aurais été … je me serais mêlé de ces problèmes, mais en ma qualité d'anarchiste, je pense que c'était pas mes affaires. C'était les affaires des étudiants. Ce sont aux étudiant de régler leurs problèmes".

Jacques Chancel : "On vous a reproché …"

Brassens : "Oui mais on reproche tellement de choses à tout le monde. C'est un vue un peu courte de me reprocher d'être silencieux. Que voulez vous que je fisse ? Que j'allasse - comme diraient certains speakers de la télévision - sur les barricades ? On m'aurait reproché aussi d'essayer - je suis tout de même un homme public - on m'aurait reproché d'essayer de me mettre en avant. Je pense que les étudiants doivent régler eux même leur problèmes[…]"

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3) Keny Arkana

Keny Arkana est une rapeuse française engagée. Elle milite aussi pour des causes proches de la philosophie altermondialiste, avec La Rage Du Peuple, collectif créé en 2004 dans un quartier du centre ville de Marseille.

Au travers de sa musique, elle retrace ses nombreux combats, notamment celui contre la globalisation capitaliste et contre l'oppression de l'État et du racisme institutionnel, mais aussi les moments difficiles de son enfance. Dans Eh connard elle s'en prend au directeur d'un foyer qui considérait qu'elle n'avait pas d'avenir. Elle rend aussi un hommage à son pays d'origine sur le titre "Victoria" et "distille des touches d'espoir et de conscience". Elle privilégie le militantisme, se définissant comme citoyenne avant d'être artiste.

Elle participe en 2004 à la fondation du collectif La Rage du Peuple qui milite pour "une colère positive, fédératrice, porteuse d'espoir et de changement" dans les cités. Elle intervient ainsi dans de nombreux forums altermondialistes en Afrique et en Amérique du Sud et en tire un documentaire vidéo intitulé Un autre monde est possible tourné au fil de ses pérégrinations au Brésil, au Mali, au Mexique et en France.

    Cette vidéo est suffisante pour démontrer l'engagement et l'impact de l'artiste.

18 janvier 2009

Conclusion

La musique engagée est donc non seulement un moyen d'expression mais aussi un moyen de lutte. En exposant les sujets non destinés à être exposés, elle informe et lutte contre l'indifférence. Suite à un sondage effectué sur notre entourage, 70% ont affirmé avoir été informés d'evênements mportants ou de faits divers de tous les jours, au travers de paroles de certains artistes.

Mais si les artistes peuvent utiliser la musique à des fins de propagande, l'Etat peut, lui aussi, s'emparer d'un des moyens de communication les plus puissant de la société moderne. Toutes les musiques et chansons qui sont diffusées en boucle à la radio ou encore les clips vidéo qui sont regardés par des millions de spectateurs par jour, servent à l'Etat dans la mesure où ils vendent l'idée que le bonheur s'acquiert par l'argent, le luxe et les grosses voitures. Ils encouragent à la consommation et, dès lors, les musiciens se voient convertis en gros panneaux publicitaires. Il suffit pour un artiste de se montrer avec le nouveau portable d'une marque avec laquelle il est sous contrat, pour le transformer en objet de convoitise pour toute une génération d'adolescents en mal d'identification. Et c'est souvent le même schema pour promouvoir un homme ou parti politique. Le ralliement de Stevie Wonder à Barack Obama ou celui de Doc Gyneco à Nicolas Sarkozy le prouve: l'idole pose le modèle pour ses fans.

26_1frDoc Gyneco & Nicolas Sarkozy

       26_2frStevie Wonder & Barack Obama

La musique engagée a donc une utilisation a double sens. Les sources sont différentes mais le but demeure identique. Néanmoins, avec ces diverses et multiples manipulation de la musique réaliste, sommes-nous capables de différencier les deux "côtés" ? Ce moyen d'expresion aura-t-il toujours le même effet sur le long terme? La création ne risque-t-elle pas de se retourner contre le créateur?

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18 janvier 2009

BIBLIOGRAPHIE - WEBOGRAPHIE

Bibliographie

  • La Chanson Francophone Engagée, de T.H Prevost et L. Bizzono, publié en 2008
  • La Chanson Réaliste, de R. Baudelaire, publié en 1996
  • Le Rock Et La Plume, de G. Verlant, publié en 2000
  • Dico Des Chansons Politiques Et Engagées, de C. Passevant et L. Portis, publié en 2008
  • Rap Expression Des Lascars, H. Bazin et M. Boucher, publié en 1999
  • Le Petit Larousse, édition 2004
  • Rap 2 France, de P.A Marti, publié en 2005
  • Rap Ta France, de J.L Bocquet et P.P Adolphe, publié en 1997
  • Les inrockptiles best of 2008

Webographie

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