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L'engagement Musical d'Aujourd'hui
18 janvier 2009

II) Le Rap

"Style de musique disco dont les paroles hachées sont récitées sur un fond musical très rythmé". Voilà la définition que l'on trouve dans le petit robert 2004 en face du mot "rap". Elle temoigne d'une assez grande méconnaissance de cet art malgrès 20 années de présence en france. Le rap est d'abord un genre musical associé à un ensemble d'expressions artistiques et culturelles qui se retrouvent dans la culture hip-hop, représentée par le Deejaying, le Human beat-box, les danses urbaines (break, smurf, hype, double dutch...), une mode vestimentaire, des expressions graphiques (tag et graffiti), un langage, ainsi que des attitudes et des valeurs. En France, ce phénomène prend de l'importance, à partir des années 80, par l'intermédiaire de la danse. A la fin des années 80, de nombreux groupes de rap se créent, des jeunes revendiquent la spécificité de leurs difficultés, leurs espoirs et leurs révoltes.

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a) Son Apparition

Le rap est issu des milieux urbains voués au silence. Ville de tous les excès, de tous les paradoxes, symbole de la débâcle du capitalisme sauvage; New York ne pouvait être que la mère nourricière des premières voix qui allaient s’élever contre cette fatalité sociale que représente le ghetto américain. A la fin des années 1970; pour échapper à la prison, le cimetière ou la drogue, les jeunes noirs de Brooklyn et du Bronx préfèrent la résistance artistique à l’action violente en faisant de la rue leur territoire d’expression. Les règlements de compte ne se font plus à l’arme blanche, mais par la danse, le graphisme ou la musique. Cette nouvelle forme d’art fraternel et spontané a pour nom le HIP-HOP et se décompose en trois disciplines : le chant, la danse et la peinture ( graphisme mural ). De ces trois modes d’expression, la musique Rap va alors apparaître comme le nouveau style de musique noire dans le sillon creusé par la Soul et le Funk. Le rap est un manifeste distillant des messages politiques sur le quotidien des ghettos urbains. En formulant l’angoisse, le désespoir ou le mal-être, il donne une voix aux proscrits; leur permettant ainsi de revendiquer, de communiquer sous la forme la plus simple et la plus accessible : un microphone, une platine et quelques disques.

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En France, les jeunes des cités; bien que différentes des ghettos américains, se reconnaissent dans cette forme d’expression. D’abord imité, le rap des grands frères américains est assimilé puis digéré pour s’en affranchir et donner naissance à un rap spécifiquement français. Aujourd’hui, il existe un véritable label “ Rap français “ qui se caractérise par la richesse et la variété de ses auteurs; issus en grande majorité des différentes communautés de la population immigrée. Mais il se distingue aussi par l’originalité et la spécificité de son verbe, de sa verve, de son langage, qui puisent directement dan le vocabulaire des banlieues.

b) Son Apparence Négative

Le rap a mauvaise réputation. On peut même dire que le rap est précédé par un certain nombre de clichés, de préjugés.

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Le rappeur 50 Cent entretient grandement les mauvais préjugés du rap en exhaltant dans ses clips vidéo le luxe, la violence et le sexe.

Le mouvement rap, entendons par-là les artistes rap et leur public, véhicule une image plus que négative. La violence et l'agressivité sont les deux maîtres-mots qui constituent l'ensemble des clichés affiliés au rap. Mais ce n'est pas tout; on reproche également au rap d'être non seulement violent et agressif, mais aussi superficiel, sexiste, matérialiste, terre à terre, incohérent, répétitif...

Marginal et contestataire depuis sa création le rap a toujours "traîné" une image de musique rebelle et anticonformiste. Issue des ghettos nord-américains, cette nouvelle tendance a très tôt suscité la curiosité mais aussi la crainte. Original dans la forme mais aussi dans le fond, le rap a rencontré de gros problèmes d'intégration dans l'industrie musicale. En effet, provenant des quartiers dits "défavorisés", les artistes rap ont immédiatement été vu comme des "voyous s'essayant à la musique".  Les rappeurs, pour la plupart issus de ces zones urbaines défavorisées, ont donc logiquement été considérés comme des gens "peu fréquentables". Le rap a été stigmatisé comme une musique de délinquants, faite par et pour des délinquants. C'est comme si le rap avait colporté avec lui tous les clichés, tous les stigmates que connaissent les quartiers dits "sensibles".

Les différents stigmates véhiculés par la presse sont étonnamment repris par les acteurs de la scène rap. A la vue de ce texte, on s'aperçoit que l'ensemble des clichés des la revues de presses ( violence, sexe, drogues ) sont repris un par un.  Il est question tour à tour de "bizness illégaux",de violence gratuite, de vêtements, de voitures, de sexe, de drogues, ... de tout ce qui constitue le côté obscur du rap. Force est de constater que les rappeurs prennent un malin plaisir à reprendre ces clichés et vont même jusqu'à se les approprier. Alors que le mouvement hip-hop prônait, à ses débuts, la paix, l'amour et l'unité ( peace, love and unity ) ainsi qu'une vie saine; il semble que cette période soit désormais révolue. Les rappeurs, à travers des textes explicites et crus, font l'apogée d'un certain mode de vie que l'on pourrait qualifier de déviant.

134429 le rappeur Booba

LUNATIC avec le titre "HLM 3"
Extrait de l'album "Mauvais Oeil".

Booba

J’kiffe ( j'aime ) les bizness illégaux
La sape, les caisses et les gos ( les filles )
Smoker ( fumer ) des gros bouts d’shit, après j’ai l’groove grave
Bédave ( fumer ), sexe, pillave ( boire ) sec dans mon clan
J’peux pas faire mieux qu’mon rap de banlieue
J’rappe comme j’cause, haine à grosse dose,
La rage comme guide et c’est pour ça qu’j’parle toujours des mêmes choses,
Tchatche de la zone, prône la guerre aux autres hommes
Ceux qui parlent trop mal, chope et hop sous l’trôme
J’aime la grande vie
C’est la merde, mais j’l’aime car c’est la mienne
Y’a pas de bonheur sans problèmes
Réveil impulsif, j’roule un spliff de skunk,
Et j’kick sur un beat de funk
Pas de lyrics de fils de pute,
Insolent même sur mes bulletins,
Cousin, j’suis l’bitume avec une plume

c) Son Engagement

Issu des quartiers pauvres, le rap a immédiatement orienté son discours vers un message social. Fin des années 1980, le groupe américain Public Enemy est à la fois le groupe le plus politisé ( extrême gauche et pro-black ) de la scène rap américaine et le numéro un des ventes. En France, des groupes comme Assassin, NTM, IAM sont les leaders du mouvement rap, que ce soit en terme de crédibilité ou en terme de ventes; et tiennent tous un discours ouvertement engagé. La plupart d’entre eux placent le côté social, voir même politique, au centre de leur oeuvre. En tant que groupes dominants de la scène rap, en tant que détenteurs de la norme rapologique, les thèmes abordés par ces groupes font référence dans toute la production musicale de l’époque.  Au début des années 1990, un rappeur se devait d’avoir un discours politiquement engagé, de prendre parti sur la question de la lutte des classes et surtout d’apporter un message contestataire, révolutionnaire, social. Les textes “ à l’eau de roses “ étaient minoritaires voir inexistants ( voir entretien avec Hamé ). En revanche, un rappeur qui abordait des sujets tels que les conditions de vie des classes défavorisées, ou le statut des jeunes immigrés de la seconde génération, ou encore les violences policières dans les quartiers dits “ sensibles “ étaient majoritaires. Le rap était explicitement engagé et si un rappeur voulait être reconnu par ses pairs, il se devait de prendre position politiquement. Un discours engagé représentait la caractéristique première du couplet de rap. Ce côté “revendicatif” a d’ailleurs été souvent caricaturé par certains humoristes.

RAU_200_punks_895eble groupe NTM

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les groupes Assassin et IAM

Hors cette norme a changé. Il y a eu une évolution, les valeurs ont changé, les représentations produites par la nouvelle norme ont changé.

d) Son Evolution

Le rappeur, ainsi que son discours, est devenu moins engagé. L’aspect récréatif, festif, superficiel du mouvement rap a pris le dessus. Il ne s’agit plus de politiser le message, au contraire il s’agit d’être le plus neutre possible. De ne plus prendre position. Il ne faut plus axer son message sur le caractère social, mais bel et bien sur des sujets qui rassemblent le plus grand nombre et qui, en quelque sorte, ne dérangent plus. Des textes pasteurisés, un message festif et édulcoré, la volonté de ne plus prendre parti; et cela pour mieux vendre, telles sont les valeurs qui caractérisent les artistes rap de la nouvelle norme. Certes on peut dire que la priorité a été portée sur la musicalité, sur une volonté de ne pas trop “lester” une ambiance déjà tendue dans les banlieues dites difficiles. Toujours est-il que le message n’est plus le même. Les valeurs, références et représentations passées ne sont plus au goût du jour. Les revendications sociales, les messages politiques et l’ensemble de l’élan révolutionnaire qui caractérisaient le rap à ses débuts ne sont plus. Pour être dans la nouvelle norme rapologique, il faut dorénavant avoir un message plus “léger”, moins engagé. Il est préférable d’écrire une chanson à la gloire d’une marque de voiture plutôt que de dénoncer certaines injustices sociales.

 

conclusion

Le rap a pu par le passé et pourrait toujours constituer une menace à l’égard de l’ordre établi. A systématiquement subir l’oppression, à se voir régulièrement victime des formes les plus diverses et les plus excessives de brutalité, dont il n’est même pas besoin de rappeler les excès, l’expression symbolique de la violence n’est pas seulement légitime, elle devient nécessaire. Car la prise de parole est toujours préférable à un passage à l’acte ; le rap « engagé », qui dominait le mouvement jusqu’au début des années 90 remplissait donc un rôle d’exutoire. On peut même dire qu’il était de l’ordre de « l’intérêt public », puisqu’en exprimant les frustrations, il rendait moins probable le passage à l’action. Le rap prenait donc à son compte cette indispensable manifestation de l’agressivité et avait pour espoir, non réalisé en France, d’en fédérer l’expression dans une mise en perspective de tous les courants de la culture populaire. C’est précisément ce pouvoir de fédérer la parole de toute une population défavorisée qui effrayait les classes « bien pensantes ».

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