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L'engagement Musical d'Aujourd'hui
18 janvier 2009

I) Le Rock Engagé

"George W. Bush encourage la création"

(Chris Cornell d'Audioslave)

Le chant de révolte ou de resistance est donc étendu au travers du monde, dès les plus jeunes années. Qu'il soit aux Etats-Unis ou en France, son but est le même: dénoncer, remettre en  question, s'exprimer.

1) Rappel des origines du chant engagé

   L'hymne national de la République Française, la Marseillaise n'est peut-être pas à proprement parler un chant de révolte. Il s'agit au départ d'un chant de guerre et c'est bien ce que lui reprochent ses opposants aujourd'hui. Mais son lien étroit avec l'histoire de la révolution française et son aura populaire justifient sa présence ici. Elle a été créée en 1792 alors que l'assemblée constituante a convaincu le roi Louis XVI de déclarer la guerre à l'Autriche. Les troupes sont en garnison à Strasbourg et Rouget de Lisle, connu localement pour son Hymne à la liberté, se voit confier par les généraux et le maire de la ville la réalisation d'un chant de guerre pour encourager les troupes. Il compose alors le Chant de guerre pour l'armée du Rhin. Celui-ci est porté de ville en ville par les soldats et il atteint Marseille où il rencontre un vif succès auprès des Fédérés. Ils le chantent pendant leur trajet vers Paris qui les amène à participer à l'insurrection du Palais des Tuileries le 10 août 1792. C'est alors que le chant de guerre révolutionnaire prend le nom de Marseillaise. Rencontrant toujours un grand succès, la Convention du 26 messidor an III (14 juillet 1795) la décrète chant national. Interdite sous l'Empire et la Restauration, elle réapparait lors des Trois Glorieuses de 1830. Elle accompagnera, reprise par le peuple, la lutte contre la domination allemande pendant les trois guerres de 1870, 1914-1918 et 1939-1945.

Allons ! Enfants de la Patrie !

Le jour de gloire est arrivé !

Contre nous de la tyrannie,

L'étendard sanglant est levé ! (bis)

Entendez-vous dans les campagnes

Mugir ces féroces soldats ?

Ils viennent jusque dans vos bras

Égorger vos fils, vos compagnes.

Aux armes, citoyens !

Formez vos bataillons

Marchons, marchons

Qu'un sang impur, n'abreuve nos sillons

Aux Etats-Unis, le « protest song » a toujours été populaire. Des artistes comme Woody Guthrie ou Pete Seeger l'ont fait connaître à un large public. Le « protest song » américain est une véritable chanson de révolte moderne. C'est une chanson engagée, souvent accompagnée d'une ou plusieurs guitares, et qui traite volontiers des sujets politiques ou sociaux courants. L'éventail des sujets traités dans les textes de ces chansons est très vaste.

1059092280_small  Bob Dylan

Blowin' in the Wind de Bob Dylan est sans doute le point de départ d'une acceptation du « protest song » auprès des médias, la première chanson de révolte moderne à être diffusée a une échelle planétaire. Tirée d'un chant d'esclaves, un negro spiritual, qu'il arrange avec génie, cette chanson sera reprise par les 250 000 manifestants de la Marche sur Washington de Martin Luther King.

How many years must a mountain exist / before it is washed to the sea? How many years can some people exist / Before they're allowed to be free? An' how many times can a man turn his head, / An' pretend that he just doesn't see? The answer, my friend, is blowin' in the wind, /The answer is blowin' in the wind.

Combien d'années faut-il à la montagne pour arriver à la mer ? Combien d'années un peuple peut-il exister avant d'obtenir la liberté ? Et combien de fois un homme peut-il détourner la tête et faire comme s'il n'avait rien vu ? La réponse, mon ami, est portée par le vent, la réponse est portée par le vent.

Lorsque Bob Dylan chante cette chanson en avril 196, il n'avait que 21 ans. La guerre du Viêt Nam entraîne une mobilisation importante des jeunes américains autour de la non-violence et du droit des peuples et des hommes. La musique est leur porte-parole dans le conflit qui les oppose à la génération de leurs parents.

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Neil Young embraya le pas avec "Ohio" en 1970 sur l'album de Crosby, Stills, Nash & Young : "4 Way Street". La chanson a été inspirée par le meurtre de quatre étudiants par la police au campus de Kent dans l'Ohio.

  Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui continuent cette tradition: David Rovics, Jim Page, Mat Callahan, Micael Franti ou Anne Fenney ne sont que quelques exemples. Leur public s'est considérablement élargi pour toucher toutes les générations d'américains. Cependant, ces chansons ne sont quasiment pas diffusées par les médias.

2) La Politique dans le Rock

Depuis les fifties, le rock est synonyme de rébellion et souvent d’immoralité. Son arrivée a soufflé sur le monde occidental un vent de liberté qui déshabillait les adolescentes et remettait en cause le patrimoine et la culture conservatrice de leurs parents. Pour autant, le déhanché suggestif d’Elvis Presley et l’homosexualité affichée de Little Richard ne constituent pas une orientation politique (par contre, la dégaine du King obèse est un argument de poids pour dénoncer les méfaits de la surconsommation). L’absence de message politique est un constat qu’on peut élargir à tout le rock : combien de groupes, finalement, ont adopté un discours aussi marqué que celui des Clash, Gang Of Four, Rage Against the Machine ou Dead Kennedys, dont le leader Jello Biafra s’était présenté à l’élection municipale de San Francisco en 1979 en exigeant que policiers et homosexuels échangent leurs tenues ? A l’opposé, a-t-on déjà entendu parler d’une scène ‘Rock for Capitalism’ ? Le rap, qui a succédé au rock en tant que musique subversive, n'échappe pas à la règle : il n’avait d’autre ambition que de faire danser le public autour du sound-system.

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Bref, le rock est un rebelle sans cause. Dans "Rude Boy" , le film-documentaire tourné autour des Clash en 1980, on voit Ray, un jeune paumé, demander à son idole Joe Strummer la signification de "Brigate Rosse"(Les Brigades rouges (Brigate Rosse, BR) sont un groupe terroriste d'extrême gauche italienne, actif principalement pendant les années de plomb. ratiquant ce qu'ils appellent la "propagande par le fait", les différents groupes ayant utilisé l'appellation « Brigades rouges » ont été poursuivis et condamnés à diverses époques par les autorités italiennes. Les opérations (attentats et assassinats) ont fait au total 415 morts dans les années 1969-1988. On a compté environ 15 000 attentats durant ces années ; on peut ainsi parler de "guerre civile de basse intensité"..) Strummer, l’air distant, lui répond : "Oh, ça, c’est juste une marque de pizza…" L’exemple de neutralité le plus flagrant est celui du mouvement punk : il n’y a que ces gros lourds d’Exploited pour avoir pris le fameux "Anarchy In The UK" des Sex Pistols au premier degré. Il ne s’agissait bien sûr que de provocation. Quant au morceau "The KKK Took My Baby Away" des Ramones, il trahit la pensée réactionnaire de Johnny Ramone, qui venait de piquer sa copine à Joey quand celui-ci a écrit le texte de la chanson. Le rock n’a que faire de la politique : il veut s’amuser, profiter et ne surtout pas réfléchir. Même le MC5, vitrine du mouvement politique White Panthers dans les années 1960, s'est fendu du slogan suivant : "Baise et drogue en pleine rue !" Le rock est décidément plus animal que politique.

Si le rock n’est pas par essence politisé, il arrive quand même que les rockers se rassemblent autour d’une cause particulière. Et puisqu’il est impossible de distinguer une orientation politique claire dans la musique pop, il faut un combat fédérateur et plein de bons sentiments auquel s’opposer signifierait qu’on est vraiment un sale type : la faim en Ethiopie, la lutte contre le racisme, l’annulation de la dette des pays africains (Bono,chanteur du groupe U2, qui dîne avec les grands de ce monde, suscite l’admiration autant que la haine), les inégalités sociales (évoquées par Didier Super dans "Marre des pauvres"), etc. A défaut d’une noble cause, un événement précis pourra justifier l’engagement du rocker : le mouvement hippie, qui réunissait autant de gauchistes convaincus que d’adolescents en quête de filles décomplexées et de junkies à la recherche de "bonnes vibrations", s’est unifié autour de l’opposition à la guerre au Vietnam.

Quarante ans plus tard, c’est l’envoi de troupes américaines en Irak qui a déclenché un nouveau vent de contestation au sein du monde artistique : on se souvient par exemple de la tournée "Vote For Change" lancée en 2004 dans le but de faire élire John Kerry à la Maison Blanche. Depuis la réélection de Georges W. Bush, les têtes d’affiche du "Vote For Change", Bruce Springsteen et Michael Stipe de R.E.M.,vivent sous terre. Il n'empêche, le pamphlet anti-Bush est devenu un rituel quasi obligatoire pour qui veut faire la démonstration d’une conscience politique aiguisée : le Sweet Neo Con des Rolling Stones (qui n'hésite pas à attaquer le président des Etats-Unis et son administration de faucons néo-conservateurs, faisant notamment allusion à l'entreprise pétrolière Halliburton qui a été dirigée par le vice-président Dick Cheney et qui a obtenu d'importants contrats avec l'armée américaine en Irak. "You call yourself a Christian, I call you a hypocrite / You call yourself a patriot, well I think you're full of shit" ("Tu te dis chrétien, moi je dis que tu es hypocrite / Tu te dis patriote, moi je pense que tu es un sac de merde")) , Hell No! We Ain't All Right de Public Enemy ou les deux compiles Rock Against Bush en sont quelques exemples parmi des centaines d'autres.

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Autre personnalité politique à s’être attiré l’hostilité d’une grande partie des artistes, Margaret Thatcher. Morrissey (chanteur et auteur des Smiths, groupe de rock indépendant brittanique) lui a dédié le subtil Margaret on the Guillotine et plusieurs rockers anglais (l'ex-Jam Paul Weller, Billy Bragg (qui a collaboré très frequemment avec R.E.M. et Morrissey), les Housemartins (groupe de musique brittanique connu pour ses textes cinglants et engagés.), Jerry Dammers des Specials) ont formé le Red Wedge fin 1985 pour chanter les louanges du parti travailliste. En pure perte : Maggie sera réélue. Preuve que les rockers ont besoin d’un combat précis pour s’engager. Et qu’on ne les écoute pas beaucoup…

Artwork_by_El_Lissitzky_1919 Logo Red Wedge

3) Le rock engagé en France

On parle bien du rock français "assumé", de cette scène mélangeant l'influence de Jacques Brel et des Clash apparue dans le sillage de Dominique A, non des pastiches souvent maladroits d'artistes rock anglo-saxons comme Dick Rivers, Trust… Des groupes comme Mickey 3D (devenu maintenant Mickey est tout Seul suite à une récente séparation du groupe), Louise Attaque ou les Têtes Raides sont devenus les modèles d’un rock vaguement altermondialiste, ne ratant jamais une occasion de vilipender l’extrême droite, et d’une démarche artistique intègre au point d'en être manichéenne : ne pas passer à la radio est devenu une marque d’authenticité. Ces artistes s'inscrivent dans la tradition de Léo Férré et Georges Brassens, des chanteurs rive gauche et de la chanson française satirique, qui avaient en commun un goût prononcé pour la subversion et une attirance modérée pour le succès dont découle leur grande discrétion face aux médias. Il est logique de retrouver cette posture chez ceux qui, aujourd’hui, revendiquent leur héritage.

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Le fait que le rock français penche à gauche est aussi dû au fait qu’il s’oppose, chez nous, au populaire. Il affiche des références pointues, qu'elles soient francophones (Font et Val) ou anglo-saxonnes (Gun Club, le modèle américain de Noir Désir). Le mythe selon lequel la qualité est inversement proportionnelle au nombre de ventes est d'ailleurs très répandu, d'où un certain mépris pour le grand public. Par exemple, les musiciens de Berurier Noir se sont séparés après qu’un de leurs morceaux est passé sur NRJ (radio crée en 1981 visant un public jeune, "NRJ" signifaint (outre "énergie") "Nouvelle Radio Jeune"), ce qui constituait à leurs yeux une forme de trahison à la cause… Quel rapport entre le succès et l'engagement politique ? Au même titre que le jury des Césars se refuse encore à récompenser des comédies, les rockers sont complexés par le succès, forcément capitaliste. Comme s'il fallait être pauvre pour être de gauche... L'arrivée de nouveaux chanteurs populaires tels que Bénabar, qui a lui aussi gagné son public sur scène et non à la radio, pourrait accoucher d'un paysage musical "à l'anglaise". Ni poses ni complexes : il n'existe de l'autre côté de la Manche qu'une seule catégorie, la musique populaire. Une directrice des ressources humaines peut très bien écouter Blur. Il suffit d'ailleurs de regarder la programmation de Top Of The Pops ou le palmarès des Brit Awards pour se rendre compte qu’il n’y a pas, là-bas, de hiérarchie entre PIL (groupe art-rock) et les Spice Girls (vulgairement populaires).

LYDON1302 untitledles Spice Girls

      A n’en point douter, la majorité des rockers actuels afficheraient plus volontiers un t-shirt à l'éfigie de Che Guevara ou le logo Anarchy qu’un drapeau américain. Mais en vérité, le rock est devenu réactionnaire. Le discours est là mais, dans les faits, il ne cherche plus à se renouveler comme à ses débuts. Les têtes d’affiche des années 2000, qu’on a réunies sous l’appellation officielle de “retour du rock”, réutilisent le patrimoine, les codes et les références de leurs aînés des décennies 1960 ou 1970. Sans pour autant mettre en cause la qualité de leurs chansons, il est difficile de prétendre que les Whites Stripes, The Strokes ou Interpol ont amené quelque chose de nouveau : comme dans tout revival, ils se contentent de réactiver la nostalgie d'un âge d’or fantasmé et révolu. Leur démarche est dictée par la loi du "c'était mieux avant". Le rock est désormais une musique hermétique au renouvellement, passéiste et institutionnelle.

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